L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a publié cette semaine son nouveau rapport sur l'électricité. Question centrale : à quoi ressemblent le mix électrique et la demande d'électricité dans le monde, et comment évolueront-ils d'ici 2026 ? La principale conclusion du rapport est que l'augmentation de la demande mondiale d'électricité que nous connaîtrons au cours des trois prochaines années peut être entièrement satisfaite par de l'électricité décarbonée, grâce à une augmentation spectaculaire des énergies renouvelables, soutenue par une hausse de la production d'électricité provenant de l'énergie nucléaire.

L'électricité est essentielle pour le fonctionnement des sociétés et des économies modernes, et son importance ne fait que croître avec le développement de technologies alimentées par l'électricité, telles que les véhicules électriques et les pompes à chaleur. La production d'électricité est actuellement la plus grande source d'émissions de CO2 dans le monde, mais c'est aussi le secteur qui évolue le plus rapidement vers des émissions nettes zéro ("Net Zero").

L'un des principaux défis de la transition énergétique est de veiller à ce que les consommateurs aient accès à une électricité suffisante et abordable tout en réduisant les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2).

Rétrospective de l'année 2023

La demande mondiale d'électricité a continué de croître en 2023 (2,2 %). Cependant, On constate que la Chine, l'Inde et de nombreux pays d'Asie du Sud-Est ont connu une croissance robuste de la demande d'électricité, alors que les économies avancées (y compris l'UE) ont enregistré une baisse significative de la demande d'électricité. Ceci s’explique par un environnement macroéconomique sombre et une inflation élevée, qui ont réduit la production du secteur industriel.

Au sein de l'UE, les secteurs à forte consommation d'énergie en particulier (chimie, acier, aluminium, papier) ont connu une baisse de la demande d'électricité, en partie due à des fermetures définitives ou à des délocalisations en dehors de l'UE.

Perspectives à l'horizon 2026

La demande mondiale d'électricité augmentera plus rapidement au cours des trois prochaines années, avec une moyenne de 3,4% par an jusqu'en 2026, principalement en raison de l'amélioration des perspectives économiques, tant dans les économies avancées que dans les économies émergentes.

Pour l'UE, l'AIE prévoit que la demande d'électricité reviendra aux niveaux de 2021 au plus tôt en 2026 - le secteur industriel en particulier a été durement touché au cours des deux dernières années (-6% à chaque fois en termes de demande d'électricité). Il faut espérer que l'industrie se rétablisse progressivement avec la baisse des prix de l'énergie. Les prix de l'électricité étant élevés dans l'UE par rapport à la Chine ou aux États-Unis, la compétitivité des industries intensives en énergie restera sous pression dans l'UE.

L'électrification du secteur résidentiel (y compris les pompes à chaleur) et du secteur des transports (y compris les voitures électriques), ainsi qu'une expansion remarquable du nombre de data centers, accéléreront la demande d'électricité dans les années à venir. L'essor de l'intelligence artificielle (IA) et des crypto-monnaies (comme le bitcoin, par exemple) fait également grimper la demande d'électricité.

L'électricité représente aujourd'hui 20% de la consommation finale d'énergie. En 2015, elle n'en représentait que 18%. Toutefois, pour atteindre les objectifs climatiques, cette évolution doit s'accélérer dans les années à venir : d'ici 2030, l'électricité devrait représenter environ 30% de l'énergie finale.

Ensemble, les énergies renouvelables et le nucléaire couvrent l'augmentation de la demande

Le rapport de l'AIE a calculé que l'augmentation de la demande mondiale d'électricité que nous connaîtrons au cours des trois prochaines années peut être satisfaite grâce à une augmentation record de la production d'électricité décarbonée, qui comprennent à la fois les énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydroélectrique) et l'énergie nucléaire. Ensemble, ces sources d'énergie à faible teneur en carbone devraient représenter environ la moitié de toute l'électricité d'ici 2026 (37% pour les énergies renouvelables, 9% pour l'énergie nucléaire). Remarque importante : la forte expansion de la capacité des énergies renouvelables doit s'accompagner d'une accélération des investissements dans les réseaux électriques et la flexibilité du système.

La croissance rapide des énergies renouvelables, soutenue par l'augmentation de la production nucléaire, remplacera la production mondiale d'électricité issue des centrales au charbon, qui devrait diminuer en moyenne de 1,7% par an jusqu'en 2026.

Une production d'électricité nucléaire record et des défis à relever

D'ici 2025, la production mondiale d'électricité issue du nucléaire devrait dépasser le record établi en 2021. Même si certains pays (dont la Belgique) choisissent d'abandonner progressivement l'énergie nucléaire ou de fermer prématurément des centrales, la production mondiale d'électricité nucléaire devrait encore augmenter de près de 3% par an en moyenne d'ici à 2026. Cela s'explique en partie par l'achèvement des travaux de maintenance en France, le redémarrage de plusieurs réacteurs nucléaires au Japon et la mise en service de nouveaux réacteurs en Chine, en Inde, en Corée et en France, entre autres.

De nombreux pays font de l'énergie nucléaire un élément essentiel de leur stratégie énergétique pour l'avenir, afin de garantir la sécurité de l'approvisionnement tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Lors de la conférence COP28 de décembre 2023, plus de 20 pays ont signé une déclaration commune visant à tripler la capacité de production d'énergie nucléaire d'ici à 2050. Ce sera un défi - il s'agira principalement d'atténuer les risques liés à la construction et au financement dans le secteur nucléaire. Les petits réacteurs modulaires (SMR) font également l'objet d'une attention croissante à l'échelle mondiale.

Actuellement, on constate un regain d'intérêt pour la construction de centrales nucléaires. Jusqu'à présent, il s'agit principalement de plans (109 GW) et de propositions (353 GW) pour de nouvelles centrales nucléaires. Aujourd'hui, quelques 68 GW de capacité nucléaire sont en cours de construction dans le monde, dont environ la moitié en Chine.

Au sein de l'UE, une alliance nucléaire de 14 pays, dirigée par la France, a été créée l'année dernière. L'objectif de cette alliance est d'ajouter 50 GW de capacité nucléaire au sein de l'UE d'ici 2050, soit une augmentation d'environ 50 % par rapport à la capacité nucléaire installée pour le moment en Europe.

Les émissions de CO2 enfin en baisse ?

Nous sommes tous conscients que les émissions mondiales de CO2 doivent diminuer dans la lutte contre le changement climatique. Toutefois, en 2023, nous constatons une légère augmentation (+1%) des émissions de CO2 dues à la production d'électricité. La baisse devrait véritablement commencer à partir de 2024 : -2 % en 2024 et une diminution limitée les années suivantes. Le remplacement des sources d'énergie fossiles (notamment le charbon) par les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire jouera un rôle important à cet égard.

C'est l'Union européenne qui progresserait le plus dans la réduction des émissions de CO2, avec une amélioration moyenne de 13 % par an. Elle est suivie par la Chine (6 %) et les États-Unis (5 %). Pour d'autres pays (dont l'Inde et l'Asie du Sud-Est), il est prévu que les émissions de CO2 augmentent encore dans les années à venir.

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