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L’énergie nucléaire en Allemagne
L’énergie nucléaire en Allemagne

L’Allemagne sort du nucléaire au milieu d’une crise énergétique et climatique

Le 15 avril 2023, peu avant minuit, les trois dernières centrales nucléaires allemandes ont alimenté le réseau pour la toute dernière fois. C'est la fin d'une ère de plus de six décennies d'énergie nucléaire en Allemagne. Alors que l'Allemagne s'autoproclame championne de la transition énergétique, sa production d'électricité est déjà la plus polluante d'Europe et les émissions de CO2 du secteur allemand liée à cette production devraient encore augmenter après la sortie du nucléaire. En Allemagne comme à l'étranger, les critiques à l'encontre de cette décision se multiplie. La Belgique, elle aussi, perdra sa dernière centrale nucléaire dans deux ans, si un accord devait ne pas pouvoir être conclu entre le gouvernement et l'exploitant au sujet des prolongations possibles.

La fin de six décennies de production d'électricité bas carbone

Le 15 avril, le rideau est finalement tombé sur les centrales nucléaires d'Emsland, en Basse-Saxe, sur la rivière Ems (nord de l'Allemagne), d'Isar 2 en Bavière, au nord de Munich, et de Neckarwestheim (sur la rivière Neckar) dans le Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest du pays.

Cela mettra fin à plus de six décennies de production d'électricité allemande à l’aide de l'énergie nucléaire. À la fin de l'année dernière, ces trois centrales représentaient encore 6 % de la production d'électricité allemande. A un certain moment, c’était encore 33 réacteurs qui permettaient de produire près de 30 % de l'électricité nécessaire en Allemagne.

L’accident nucléaire de Fukushima en mars 2011 a mené l'Allemagne à décider d'abandonner l'énergie nucléaire de manière accélérée et permanente. Cette décision empreinte d’émotion et non rationnelle a conduit l’Allemagne à fermer 8 de ses centrales immédiatement (2011). Une date limite ayant été fixée pour les neuf centrales nucléaires restantes.

La fermeture des trois dernières centrales nucléaires en activité était initialement prévue pour la fin de l'année 2022, mais elle a été reportée de 100 jours (c'est-à-dire jusqu'au 15 avril) en raison de la crise actuelle en Ukraine, et de l'incertitude quant à l'approvisionnement en électricité, ayant mené à l'envolée des prix de l'énergie.

Sortie du nucléaire = retour à l’utilisation du charbon et du lignite

Depuis la décision de 2011, l'Allemagne accélère également sa transition vers les énergies renouvelables (connue sous le nom d'Energiewende, le terme allemand pour la transition énergétique). Depuis lors, le pays investit massivement dans l'expansion des parcs éoliens et des panneaux solaires (tous deux intermittents et totalement dépendants des conditions météorologiques). Cette production d'électricité éolienne et solaire ne suffit pas à fournir à tout moment une quantité suffisante d'électricité à l'industrie allemande, grande consommatrice d'électricité.

C'est pourquoi l'Allemagne dépend fortement de l'électricité produite à partir de combustibles fossiles : le gaz russe (jusqu'en février 2022), le gaz liquéfié venant des États-Unis, le charbon et le lignite, une méthode de production d'électricité très polluante et vivement condamnée par la population. Le taux des émissions de CO2 allemande, déjà entre les plus élevés d'Europe, n'a fait qu'augmenter au lieu de diminuer depuis la fermeture des centrales nucléaires allemandes (et la transition vers les énergies renouvelables). Le fait que la plus grande économie d'Europe tente de s'appuyer entièrement sur les énergies renouvelables tout en augmentant ses émissions de CO2 préoccupe beaucoup les économistes et les écologistes.

Légende de l'image : Émissions de CO2 dues à la production d'électricité en Europe. Malgré l'expansion considérable des énergies renouvelables, l'Allemagne fait partie des pays les plus polluants d'Europe en termes d'émissions de CO2. La sortie du nucléaire ne fera qu'augmenter les émissions de CO2. Les pays qui dépendent fortement de l'énergie nucléaire combinée aux énergies renouvelables (comme la France) ont des émissions très faibles et sont donc des champions du climat. Source : Electricity Maps

« Ce ministre vert du climat préfère faire fonctionner des centrales au charbon plutôt que des centrales nucléaires neutres pour le climat. C'est un jour noir pour la protection du climat en Allemagne. »

Jens Spahn, vice-président de la CDU

Critiques croissantes en Allemagne

La fermeture des trois dernières centrales nucléaires suscite de nombreuses protestations dans le pays, tant au niveau politique que dans de nombreux autres pays et tant au sein des partis au pouvoir que de l'opposition.

Pour les dirigeants du parti au pouvoir, le FDP, ces centrales nucléaires devraient rester ouvertes en tant que réserves d'énergie ou au moins être « mises en sommeil » (permettant de les réactiver plus facilement en cas de décisions allant dans ce sens). Le président du FDP en Basse-Saxe, Konstantin Kuhle, a déclaré que les raisons pour lesquelles il avait été décidé en 2022 de poursuivre la construction des centrales nucléaires étaient toujours valables. Le chef du FDP, Christian Dürr, a appelé les partenaires de la coalition (SPD et Verts) dans une émission télévisée à ne pas fermer les trois dernières centrales nucléaires maintenant. Selon lui, la fermeture entraînerait une hausse des prix de l'électricité (déjà élevés), et pas seulement en Allemagne. « L'Allemagne possède les centrales nucléaires les plus modernes et les plus sûres au monde. Fermer les réacteurs est une erreur dramatique », a ajouté Wolfgang Kubicki, vice-président du FDP.

Markus Söder, premier ministre de Bavière, a également critiqué l'enthousiasme avec lequel les Verts allemands ont accueilli la sortie du nucléaire : « Les écologistes ont commis une grave erreur en arrêtant l'énergie nucléaire et en rouvrant les centrales au lignite. Ce gouvernement se croit écologique, en réalité il pollue l'atmosphère ».

Enfin, l'industrie allemande a mis en garde contre d'éventuelles pénuries d'énergie. L'Allemagne est dans l'incertitude en raison de la perte du gaz naturel russe bon marché. Peter Adrian, président de la Chambre de commerce : « L'Allemagne devrait faire tout son possible pour augmenter son approvisionnement en énergie. En réalité, elle fait exactement le contraire ».

« Les Allemands laissent les principes prendre le pas sur la pratique, se méprenant ainsi sur l'urgence du problème climatique. »

Mathijs Bouman, journaliste Financieel Dagblad

Sévères critiques à l'étranger

À l'étranger, les critiques à l'encontre de la sortie de l'Allemagne du nucléaire sont également très sévères. Florilège de quelques réactions :

  • « Que vous considériez ou non l'énergie nucléaire comme la solution n'a pas d'importance. On peut douter à juste titre de la nécessité de construire de nouvelles centrales, tout en reconnaissant que la fermeture des centrales existantes est une bêtise pétrolière. Les Allemands laissent les principes prendre le pas sur la pratique, se méprenant ainsi sur l'urgence du problème climatique. » - Mathijs Bouman, Financieel Dagblad

  • « Le point central reste que cela frise la folie de fermer volontairement une source d'énergie majeure qui n'émet pas de CO2 et qui peut fournir de l'énergie domestique. Avec les énergies renouvelables, une capacité nucléaire limitée pourrait rendre réaliste l'absence d'émissions. » - Bart Eeckhout, De Morgen

  • « La planète entière se remet au nucléaire, sauf les Allemands. Même la Suède, qui avait pris le chemin d’un abandon dans les années 2000, prévoit de faire marche arrière ! Les Polonais, les Tchèques et les Néerlandais se préparent à construire de nouveaux réacteurs. » - Christophe Bourdoiseau, Le Soir

  • « L'objectif, à terme, est de sortir des énergies fossiles. En attendant, pour éviter le risque de blackout, l'Allemagne doit encore compter sur le gaz et le charbon...Des énergies carbonées, contrairement au nucléaire. La sortie du nucléaire pousse également l'Allemagne à augmenter sa dépendance à l'énergie de ses voisins, comme la France et la Belgique. » - RTBF

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