Energyville: scénario avec des éoliennes en mer supplémentaires et de nouvelles (petites) centrales nucléaires est la voie la moins chère vers la neutralité climatique d'ici 2050
Comment la Belgique peut-elle être neutre sur le plan climatique d'ici 2050 à moindre coût ? Des scientifiques de l'institut de recherche Energyville se sont penchés sur cette question dans une nouvelle étude commandée par Febeliec, la fédération des grands consommateurs industriels d'énergie. Ils ont examiné 3 scénarios et ont conclu que le scénario d'électrification, avec une plus grande contribution des éoliennes offshore (en mer) et de nouvelles centrales nucléaires, est le meilleur. La transition vers un approvisionnement énergétique neutre en carbone d'ici 2050 en Belgique sera la moins coûteuse avec une combinaison d'éoliennes offshore supplémentaires (8GW+16GW) et de nouveaux petits réacteurs nucléaires ou SMR (6GW).
3 scénarios
Les chercheurs d’Energyville ont comparé trois options :
- Un scénario de référence dans lequel les énergies renouvelables, le stockage et la réutilisation du CO2 (CCS et CCUS) et les molécules vertes contribuent à atteindre l'objectif.
- Un scénario d’ « électrification » avec une plus grande contribution de l'éolien en mer et de nouvelles (petites) centrales nucléaires - dites SMR.
- Un scénario « molécules vertes » avec une plus grande contribution des molécules vertes (comme l'hydrogène vert).
Coût substantiel
Tous les scénarios nécessiteront des investissements substantiels et des coûts opérationnels nettement plus élevés. Avec des investissements compris entre 2 et 4 % du produit intérieur brut (PIB) actuel, la Belgique peut devenir climatiquement neutre tout en maintenant son industrie actuelle (y compris les productions à forte intensité énergétique, comme l'acier, le ciment, l'ammoniac, etc.)
Dans le scénario de base, les coûts augmenteront progressivement pour atteindre plus de 20 milliards d'euros par an, soit environ 4 % du PIB de la Belgique en 2021. Il s'agit du scénario le plus coûteux pour réussir la transition vers le « net zéro » en Belgique. Pour atteindre l'objectif « net zéro », il faudra combiner le CCS (Carbon Capture & Storage) dans l'industrie, l'électrification et les molécules vertes dans ce scénario de base.
Le scénario « molécules vertes » suppose que la Belgique aura accès à des molécules "vertes", comme l'hydrogène vert, très bon marché – ce qui est loin d'être certain - et que seul un CCS (Carbon Capture & Storage, c.à.d. captage et stockage du carbone) limité peut être réalisé, en mer du Nord ou en Norvège. La quantité d'électricité nécessaire est similaire à celle du scénario d'électrification. En termes d'émissions de CO2, ce scénario est moins performant que les autres scénarios à court terme (2030-2040), un effet qui ne peut être rattrapé qu’en 2050.
Dans le scénario d'électrification, avec un rôle clé pour l'éolien en mer ainsi que pour l'énergie nucléaire (Small Modular Reactors ou SMR), le coût annuel est inférieur de près de 50%, à environ 11 milliards d'euros par an. L'explication est que ce scénario a moins besoin d'options de flexibilité telles que les batteries, une électrification plus rapide du transport routier de marchandises et d'un besoin moindre (et donc d'un coût moindre) d'importations de l'étranger dans ce scénario. En d'autres termes, le scénario d'électrification est celui qui présente les coûts de système les plus bas et celui qui protège le mieux notre sécurité d'approvisionnement.
Une « grande marge » a été prise pour déterminer le prix des SMR, selon Febeliec. Ils ont calculé avec un prix de 7 500 €/kW, ce qui est comparable au prix des nouveaux grands réacteurs nucléaires de type GEN III, comme celui de Hinkley Point au Royaume-Uni. La gestion des déchets et les assurances sont également incluses dans ce chiffre. Toutefois, il est généralement admis que les SMR seront moins chers que les grands réacteurs nucléaires, en raison de la standardisation de la conception et de la production en série.
Pour déterminer la date à laquelle les SMR seront disponibles (2045), ils supposent une technologie SMR qui répond aux directives européennes les plus strictes dans le cadre de la taxonomie européenne. Ainsi, ils ne prennent en compte que les technologies avancées de cycle de combustible fermé (conceptions de « génération IV »), avec des systèmes passifs de sûreté nucléaire et un minimum de déchets nucléaires. D'autres rapports, comme le récent rapport de la CEE-ONU, prévoient déjà un rôle pour les SMR (de conception GEN III) entre 2027 et 2030.

La demande d'énergie finale diminue, la demande d'électricité augmente
De nombreuses solutions dans différents secteurs en vue de la neutralité climatique ont besoin d'électricité : des voitures électriques, des pompes à chaleur, mais aussi de l’électricité pour la production d'hydrogène. Même sans la production nationale des futurs carburants pour le transport maritime et l'aviation internationale (qui n'est pas incluse dans cette étude), la consommation d'électricité fait plus que doubler dans tous les scénarios. D'autre part, ces solutions électriques (par exemple, les pompes à chaleur, les moteurs électriques) sont plus efficaces que leur équivalent fossile, ce qui permet de réduire d'un tiers la consommation globale d'énergie (énergie finale).

Les énergies renouvelables augmentent fortement dans les 3 scénarios
Dans chaque scénario, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique augmente fortement.
Si le scénario d'électrification est choisi, et donc si l'on inclut l'énergie nucléaire (SMR) dans la solution, la croissance de l'énergie éolienne offshore (en mer) est encore plus élevée (8GW+16GW de capacité supplémentaire en mer profonde). Toutefois, l'augmentation de la capacité d'ici 2050 de l'énergie éolienne terrestre et de l’énergie solaire est plus basse dans ce scénario. Pourtant, même dans ce cas, nous parlons d'une capacité de 11,6 GW pour l'énergie éolienne terrestre (quadruplement par rapport à 2020) et de 39,5 GW pour l’énergie solaire (presque 7 fois plus qu'en 2020).
Dans le scénario avec électrification, les énergies renouvelables intermittentes produiront quelque 179 TWh par an en 2050, soit environ 77,5% de la production d'électricité en Belgique. L'énergie nucléaire, avec une capacité de 6 GW, produira quelque 41,8 TWh par an, soit 18,5% du mix électrique belge.

Émissions de CO2 par scénario
Atteindre la neutralité carbone n'est pas aussi évident pour tous les secteurs. Bien que l'objectif de l'étude soit de voir comment atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 au moindre coût, il faut tenir compte du fait que dans chacun des 3 scénarios, quelque 2 millions de tonnes de CO2 seront encore émises chaque année, principalement par des processus industriels très difficiles à décarboniser. Ces 2 millions de tonnes devront donc encore être éliminées de l'air d'une autre manière, par exemple par captage direct dans l'air (DAC) - dans notre pays ou ailleurs.
Le secteur de l'électricité est un secteur qui atteint une neutralité carbone totale dans chacun des trois scénarios. C'est dans le scénario d'électrification que cela se passe le plus vite. Dès 2030 et 2040, les émissions de CO2 de ce scénario sont beaucoup plus faibles que celles des autres scénarios. Et n'oublions pas ce que le GIEC nous a déjà appris : chaque réchauffement et chaque année comptent. Pour le climat, une décarbonisation plus rapide du secteur de l'électricité est certainement souhaitable.

Prix de la production d'électricité par scénario
Le modèle utilisé par Energyville permet également de connaître les coûts de production de l'électricité, y compris les éventuelles importations en provenance d'autres pays de l'UE. Ces coûts de production peuvent être considérés comme une indication du prix de gros de l'électricité. Il convient toutefois de noter que ce n'est pas le prix que paieront les consommateurs, car le prix de l'électricité pour l'utilisateur final est toujours soumis à des taxes et à des surtaxes, ainsi qu'à des coûts de transport et de distribution.
Dans chacun des 3 scénarios, les coûts de production atteignent un pic en 2025 en raison des prix élevés du gaz naturel, puis diminuent à nouveau grâce aux investissements dans les capacités de production renouvelables.
Dans le scénario d'électrification, le prix de production de l'électricité est le plus bas, grâce à la capacité supplémentaire de l'éolien en mer (à partir de 2030) et des nouvelles petites centrales nucléaires modulaires (SMR), prévues dans cette étude à partir de 2045.

« Le scénario avec des Small Modular Reactors est le seul qui permet de réduire notre dépendance à l'égard des importations d'énergie, de limiter le besoin de capacités supplémentaires et d'aboutir à la neutralité climatique à des coûts plus bas »
Peter Claes, directeur de Febeliec
Conclusion
Chacun des trois scénarios étudiés aboutit à une Belgique (presque) neutre sur le plan climatique d'ici à 2050, mais le scénario d'électrification reposant sur l'éolien offshore (en mer) et le nouveau nucléaire (sous la forme de petits réacteurs modulaires ou SMR) est la voie la plus économique. En outre, c'est aussi le scénario où les émissions de CO2 pour la production d'électricité diminuent le plus rapidement et où ce secteur atteint la neutralité carbone le plus vite.
Febeliec, le demandeur de cette étude, appelle donc les décideurs politiques à garder toutes les options technologiques ouvertes et à prendre la voie la plus économique. « Le scénario avec de petits réacteurs nucléaires modulaires est le seul qui permet de réduire la dépendance de la Belgique à l'égard des importations d'énergie, de limiter le besoin de capacités supplémentaires et d'aboutir à la neutralité climatique à des coûts beaucoup plus bas », a déclaré Peter Claes, directeur de Febeliec, la fédération des grands consommateurs industriels d'énergie.