En réaction au reportage « Sécurité nucléaire : le grand mensonge » paru sur Arte et la RTBF
Le reportage qui a été diffusé ces derniers jours sur Arte et la RTBF a suscité bon nombre de réactions. Si nous comprenons l’inquiétude que ce reportage militant, anti-nucléaire et anxiogène a pu provoquer, nous souhaitons replacer les choses dans leur juste contexte et fournir des éclaircissements en lien avec les menaces potentielles et les chances réelles qu’elles ont de se produire.
Les 5 et 7 décembre, Arte et la RTBF diffusaient un reportage dans lequel on laissait entendre que les installations nucléaires étaient susceptibles de devenir la cible d’attentats terroristes. Ce reportage, fondé sur divers scénarios catastrophes hypothétiques, ne contenait aucune nouvelle information. Tous les scénarios d’urgence évoqués dans ce reportage sont en effet déjà connus par des autorités de contrôle et des opérateurs nucléaires. Envisager tous les scénarios d’urgence et sécuriser les installations nucléaires est inscrit au cœur de la culture de sécurité appliquée en matière de nucléaire.
1. Complément d’information quant aux scénarios d’urgence évoqués dans le reportage
Utilisation de matières radioactives pour la fabrication de bombes artisanales
Le transport de matières radioactives à partir d’une centrale nucléaire se déroule toujours sous la supervision de la police (comme on peut le voir dans le reportage). Les matières hautement radioactives sont conservées et transportées dans des cuves hautement sécurisées capables de résister à des attentats d’envergure. Quant aux matières faiblement radioactives, produites par les applications médicales par exemple, elles ne dégagent qu’un très faible rayonnement qui ne causerait aucun dommage si ces matières venaient à être utilisées dans une bombe artisanale (ou du moins les dommages ne seraient pas provoqués par la radioactivité). Par conséquent, les suggestions effectuées dans le reportage sont inexactes.
Attaque externe au moyen d’avions, de drones ou de bombes
Depuis 2001, les centrales nucléaires ont inclus dans leurs scénarios d’urgence les attentats provenant de l’extérieur et orchestrés au moyen d’avions ou (plus récemment) de drones. Ces scénarios sont connus des opérateurs et des autorités de contrôle. Des mesures ont donc été prises pour protéger les installations nucléaires contre ce type de menaces.
Attaque interne à partir du cœur de la centrale (par le personnel)
Le sabotage de Doel 4 s’est produit dans la salle des turbines et non pas dans la zone nucléarisée de la centrale (les centrales au gaz et les centrales hydrauliques disposent d’ailleurs d’une salle des turbines comparable). Il ne s’agissait donc pas d’un incident nucléaire. Qui plus est, tous les mécanismes de mise à l’arrêt d’urgence ont fonctionné : la centrale s’est automatiquement arrêtée. Depuis cet épisode, des mesures supplémentaires ont été mises en place. Toute attaque interne par un membre du personnel serait désormais impossible.
Cybersécurité dans les installations
Plusieurs équipes travaillent quotidiennement à la sécurité des firewalls, hardening des systèmes, prévention contre des malware, procédures strictes, formations du personnel,... Des tests sont effectués très régulièrement afin d'évaluer et d’améliorer la sécurité des systèmes de façon continue. La cybersécurité est soumise tant à des audits internes qu'externes de façon récurrente. Il existe une étroite collaboration avec les instances de contrôle, les fournisseurs, les forces de l’ordre et le monde académique pour améliorer continuellement les systèmes. Les plans d’actions de cybersécurité sont étroitement monitorés par l’organisme de contrôle.
Le wifi est disponible dans les et locaux administratifs des installations nucléaires, via un réseau sécurisé. Les installations nucléaires ne sont pas couvertes par le wifi.

2. Transparence des informations
Le reportage diffusé sur Arte et la RTBF reproche au secteur de faire preuve d’un manque de transparence sur le thème de la sûreté et de la sécurité des installations. Sauf que cette discrétion poursuit un objectif bien précis. Elle fait précisément partie intégrante de la culture de sécurité. En d’autres termes, moins de détails circuleront sur les mesures exactes de sécurité des installations nucléaires, mieux ces installations seront protégées contre les menaces venues de l’extérieur.
Tant le secteur nucléaire que l’autorité chargée de contrôler les installations (Agence fédérale de contrôle nucléaire ou AFCN) font preuve de beaucoup de transparence sur leur site web dans leur communication au sujet des installations. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que ces installations restent fermées aux personnes qui ne sont pas habilitées à y pénétrer : moins de détails circuleront sur les centrales, leur accès et leurs mesures de sécurité, mieux il sera possible de garantir leur sécurité à long terme.
3. Le risque zéro n’existe pas
Le risque que se produise un accident ou un sabotage sur le site d’une installation nucléaire reste minime. Grâce à toute une série de mécanismes de sécurité internes et externes, les centrales nucléaires comptent parmi les installations industrielles les plus sécurisées et les mieux contrôlées au monde. Cela dit, le risque zéro n’existe pas. Affirmer avec fermeté que jamais aucune installation nucléaire ne fera l’objet d’un accident ou d’un incident (découlant d’un acte de malveillance par exemple) s’avère par conséquent impossible. Toutefois, répétons-le, le risque est faible. Le secteur nucléaire est véritablement imprégné d’une culture de sureté et de sécurité qui tend à améliorer en permanence la sécurité interne et externe des installations nucléaires.
Tous les risques mis en exergue dans le reportage d’Arte et de la RTBF sont connus des autorités nationales et internationales chargées d’assurer la sécurité des centrales, mais aussi des opérateurs des installations ainsi que des services nationaux de lutte antiterroriste. Ces différentes autorités ont d’ailleurs rapidement pris toutes les mesures qui s’imposaient pour renforcer la sécurité des installations nucléaires face à d’éventuels actes de malveillance.
Depuis 2001 (soit depuis le 11 septembre), l’éventualité d’une attaque terroriste venue du ciel et susceptible de viser les centrales nucléaires a été intégrée dans les scénarios possibles, et la sécurité des centrales a été renforcée en conséquence. Les tests de résistance réalisés par la Commission européenne en 2011 sur tous les sites nucléaires européens ont permis de démontrer que les installations nucléaires étaient suffisamment protégées contre les menaces externes. Des recommandations supplémentaires avaient également été émises à l’époque, individuellement, pour chaque centrale. Celles-ci ont systématiquement été mises en œuvre ces dernières années. Depuis les attentats du 22 mars 2016, les mesures de sécurité ont encore été davantage renforcées sur tous les sites nucléaires belges.
Pour en savoir plus sur les contrôles auxquels sont soumises les installations nucléaires :
4. Sécurité nucléaire
La sécurité nucléaire (au sens large) englobe l’ensemble des mesures de sécurité inhérentes aux installations nucléaires (sûreté) de même que l’ensemble des mesures destinées à protéger les installations contre toute une série de menaces (sécurité).
La sécurité constitue la première des priorités pour le secteur nucléaire. Les installations nucléaires comptent parmi les installations industrielles les plus sécurisées et les mieux contrôlées au monde. La culture de sécurité se trouve au cœur de l’ADN du secteur. De la conception d’une installation à son exploitation, absolument tout est organisé en fonction de la sécurité.
En effet, dès la conception d’une installation nucléaire, la sécurité occupe une place prédominante, que ce soit au niveau du design, des accès à l’installation ou des différentes activités opérées sur le site. Pour tous ces aspects, un seul principe domine : la sécurité. Il en va de même pour l’exploitation. Une foule de procédures de sécurité ont été élaborées afin d’empêcher que des erreurs mécaniques ou humaines puissent se produire d’une part et de mettre la centrale à l’arrêt en présence de la moindre anomalie d’autre part, de façon à réduire au minimum les risques d’une faute majeure ou la survenue d’un véritable incident. Grâce à ce mécanisme de mise à l’arrêt d’urgence, le système se désactive donc en toute sécurité avant même que les opérateurs (humains) aient pu remarquer la moindre anomalie.
En Belgique, la sécurité nucléaire est assurée par une autorité indépendante désignée et contrôlée par l’administration. Il s’agit de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN). Les inspecteurs et experts de l’AFCN disposent d’un accès permanent à toutes les installations nucléaires et sont habilités à ordonner la fermeture d’une centrale. Ils sont présents sur les principaux sites nucléaires de notre pays (centrales nucléaires, réacteurs de recherche et installations médicales) et réalisent chaque année quelque 50 audits dans nos centrales (soit environ 1 audit par semaine). L’AFCN ne poursuit qu’un seul objectif : protéger l’homme et l’environnement contre les dangers des rayonnements radioactifs, ce qui comprend les actes de malveillance.
Pour en savoir plus sur la sécurité nucléaire, veuillez consulter les liens :
5. Prolifération
Le reportage diffusé par Arte et la RTBF confond prolifération nucléaire (armement et bombes nucléaires) et applications civiles (matières radioactives issues de la production de l’électricité ou des applications médicales). Au début du reportage, on cite par ailleurs une déclaration de l’ancien président des États-Unis Barack Obama. Il convient de préciser que cette déclaration fut prononcée dans le contexte d’une réunion sur le désarmement nucléaire. Elle n’a donc aucun lien avec les déchets produits par les applications pacifiques de la technologie nucléaire et la façon dont les terroristes pourraient s’en emparer à des fins malveillantes.